L’élue.
C’est un choc de voir Jennifer Lawrence avec les cheveux sombres. Plus tôt au printemps, quand Lionsgate a annoncé que l’actrice rejoindrait les Hunger Games, le premier d’une série de films basés sur la trilogie dystopique très populaire de Suzanne Collins, il y a eu une colère prévisible parmi certains des jeunes fans.
Ils avaient peur que Lawrence, la jeune femme de 20 ans qui a été nominée aux Oscars pour sa performance dans le beau mais difficile film indépendant de l’année dernière, Winter’s Bone, soit trop vieille, trop blonde, trop grande, trop pâle, trop belle pour incarner une adolescente se battant pour survivre sous un gouvernement oppressif. Et pourtant la voici début mai dans un centre de tir à l’arc de Los Angeles, avec encore une semaine intense d’entraînement avant de commencer le tournage en Caroline du Nord. Et elle a l’air aussi féroce que ce qu’attendraient les fans de leur Katniss Everdeen. Les tresses sombres de Lawrence sont réunies en une queue de cheval, sa peau est bronzée à force de longues matinées sous le soleil. « Je crois que je dois rester bronzée, » explique-t-elle en parlant de devoir s’habituer à sa nouvelle couleur de cheveux. « Ou je vais ressembler à la fille de The Ring ! »
Pendant plus d’un mois, Lawrence a enduré un difficile programme d’entrainement comprenant un travail de tir à l’arc, de cascades et de yoga. Elle explique que sa coach de tir à l’arc, une femme d’Europe de l’est médaillée quatre fois aux Jeux Olympiques a passé des semaines à se lamenter sur son manque de talent. Apparemment, ce n’est qu’une fois que la coach l’a déclarée « irrécupérable ! » que Lawrence a serré la mâchoire et atteint le centre de la cible. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » s’est écriée sa coach, surprise. Lawrence s’est tournée vers elle et a grogné, son accent du sud revenant rarement, « Vous m’avez énervée ! »
Aujourd’hui, Lawrence est capable de lever un large arc pendant que ses yeux se plissent en direction de la cible. Quand sa flèche pénètre le centre de la cible, elle sourit comme l’aurait fait en marquant un panier dans l’équipe de basket de son enfance à Louisville dans le Kentucky –et repart.
Lawrence doit être dans des conditions physiques pointues pour incarner Katniss, l’adolescente de 16 ans enlevée de son District pour se battre contre de malchanceux enfants dans un show de téléréalité mortel. Gary Ross, qui réalise les Hunger Games (sortie le 23 mars 2012) a dit à son entraineur que bien qu’il ne veut en aucun cas la voir avec la peau sur les os pour le début du tournage du film interdit aux moins de 12 ans qui commence à la fin du mois, elle doit tout de même jouer une fille qui a régulièrement faim. (Pendant ce temps, ses costars Josh Hutcherson et Liam Hemsworth suivent également un régime protéiné. « Apparemment, je suis la seule dans le District à mourir de faim, » s’amuse Lawrence). […]
À partir de là, [elle et Suzanne Collins] sont entrées dans une discussion approfondie à propos de la trilogie pour jeunes adultes de Collins et sur la Katniss dure et brisée. De la façon dont Lawrence parle des Hunger Games, il semblerait qu’elle fasse partie des fans sceptiques à l’idée de voir leur livre préféré endommagé pour l’adaptation sur grand écran. « J’ai dit à Gary : ‘Je comprendrais totalement que vous ne m’engagiez pas, mais je vous demande juste de vous rappeler qu’après que Katniss ait tué quelqu’un, son visage ne doit pas avoir l’air dur. Il doit être brisé.’ C’est très tentant, surtout avec un grand budget de franchise comme celle-ci, mais on doit se rappeler que c’est une fille de 16 ans. » Ross (Pleasantville, Seabiscuit) et la productrice qui travaillait pour Disney Nina Jacobson avaient les mêmes inquiétudes. « Je me sentais très protectrice envers le livre, » affirme Jacobson « Et je sentais qu’une version du film pourrait être faite qui serait en quelque sorte coupable de tous les pêchés du Capitole. » Émus par la passion de Lawrence et par une audition impressionnante, Ross lui a offert le rôle.
Et pourtant elle a hésité. « D’un point de vue professionnel, la réponse était évidemment oui, » se rappelle Lawrence. Mais elle a passé la journée dans un état de paralysie. Il y a quelques années, elle a passé une audition de routine pour Belle dans Twilight. Le rôle est allée à Kristen Stewart qui a depuis eu un regard presque sauvage d’inconfort à propos de sa nouvelle nature suffocante de célébrité. The Hunger Games ce n’est pas Twilight, comme le fera rapidement remarquer n’importe quel fan des Hunger Games. Mais Lawrence comprend que la portée de la franchise est similaire. « Je savais qu’à partir du moment où je dirais oui, ma vie allait changer. Et j’ai passé la journée à me dire ‘Ce n’est pas trop tard, je peux continuer à faire des films indépendants. Je n’ai pas encore dit oui, ce n’est pas trop tard.’
Incertaine de ce qu’elle devait faire, Lawrence a appelé son père dans le Kentucky qui lui a suggéré de chercher conseil auprès de Jodie Foster, sa réalisatrice dans Le Complexe du Castor. Foster était à l’étranger à ce moment là mais elle a envoyé à Lawrence un e-mail d’encouragement. « Oui, elle s’apprête à devenir complètement célèbre. » Foster affirme maintenant. « Et peut-être que ça va être comme Twilight, il y aura plusieurs films et les fans se mettront à hurler, « Est-ce que c’est ce que je voulais vraiment ? » et tout ce qui suit. Mais regardez Le Silence des Agneaux. Pouvez-vous faire un film à succès qui ait une réelle résonnance et qui porte une valeur ? Je pense que Hunger Games peut le faire et parmi n’importe qui capable d’en arriver là, c’est Jennifer. »
À la fin, ce fut la mère de Lawrence qui a apaisé les craintes de sa petite dernière. « Elle m’a dit que j’étais hypocrite », raconte Lawrence. « Toutes les fois où je faisais des films indépendants et que je passais dans des studios de films, les gens me demandaient pourquoi et je répondais toujours : ‘Je me fiche du budget du film ou de sa taille. Ce qui compte pour moi, c’est l’histoire.’ Et ma mère m’a dit : ‘C’est une histoire que tu aimes et tu penses à dire non à ça à cause de la taille que ça va avoir. Hypocrite !’ Et elle avait raison. J’adore l’histoire et si j’avais dit non, je le regretterais chaque jour. »
Les parents de Lawrence –son père possédait une entreprise de construction ; les deux dirigent maintenant un camp d’été– étaient initialement peu enchantés à l’idée de la décision de leur fille de vouloir devenir une actrice. Quand Lawrence a eu 14 ans, elle les a persuadés de passer l’été à New York pour passer des auditions. À la fin de l’été, ses parents voulaient déjà qu’elle rentre chez elle. Au milieu de ses arguments, Lawrence a aperçu un article de journal qui parlait d’un garçon du Kentucky qui allait jouer dans un nouveau film appelé Little Manhattan. « J’étais là : ‘Vous voyez ? Il vient du Kentucky et il a réussi. Je peux le faire aussi !’ Et, bizarrement, ça les a aidés à accepter que c’était ce que je voulais faire. Ce garçon était Josh Hutcherson (The Kids Are All Right). Dans un étrange sort du destin, il s’apprête à jouer Peeta, le personnage préféré de Lawrence de la trilogie Hunger Games.
Après avoir fini le lycée tôt, Lawrence a convaincu ses parents de la laisser déménager à Los Angeles. Elle a trouvé du travail en tant que nourrice d’une petite fille de neuf mois jusqu’à obtenir un rôle dans le feuilleton The Big Engval Show en 2007. Au début, explique-t-elle, c’était dur de se faire des amis à LA.
« Le seul problème de Los Angeles c’est la qualité et la quantité de gens. Il y en a trop et la plupart sont bizarres. » Un soir, elle se trouvait à une « soirée branchée d’acteurs » à Hollywood. Un invité s’est levé pour porter un toast éloquent à l’hôte estimé et Lawrence n’a pas pu résister à participer. « J’ai levé mon verre et j’ai dit : ‘À Amelia Earhart, qu’elle trouve sa voie ! » Il y a eu un gros blanc, les gens regardaient ailleurs par embarras pour elle et Lawrence restait seule à tenir son verre en l’air. « Alors j’ai juste fait : ‘Bon !' et j’ai bu une gorgée. Heureusement, il y avait une autre fille à cette fête, une nourrice comme elle qui a trouvé la honte de Lawrence hilarante et les deux sont devenues meilleures amies.
Aujourd’hui, avec une nomination aux Oscars sous le bras et ayant obtenu les plus grands rôles du moment pour une jeune actrice, Lawrence découvre que le succès est à double tranchant. En février, pendant la période animée des Oscars, Rolling Stone a fait une interview dans laquelle elle était citée en train de se moquer de son éducation du Kentucky. « Il y a toujours des bouseux qui sortent du placard… Je suis attirée par mon frère. » Des choses dans le genre qu’elle a dites au journaliste. L’histoire s’est enchaînée et des gens se sont sentis visés. Son frère était furieux. « En fait je trouvais ça drôle, » dit-elle. « Mais il s’est avéré que j’étais la seule. Ma mère était tellement en colère. ‘Jen ! Ce n’est pas drôle ! Tu ne peux pas rire de ça !’ Et j’étais là : ‘Maman, c’est mon premier scandale et c’est hilarant.’ »
Après son entrainement de course, Lawrence se dirige vers un banc à l’ombre pour reprendre son souffle. Quand on lui demande si ça l’a dérangée que les fans de Hunger Games se soient inquiétés de son casting, elle commence à réciter ce qui semble clairement être des points précis d’un message préapprouvé. « Et bien, c’est ce qui est bien à propos des livres, et probablement du film, c’est qu’il y a une base de fan très présente. C’est ce qu’on veut. On veut que les gens aient l’impression… » Elle s’arrête, distraite par un garçon blond courant sur le terrain et se demande à voix haute si elle le connaît.
« Bref, » continue-t-elle. « C’est bien de savoir que les gens sont impliqués… » Elle a l’air tellement préparée que je ne peux pas m’empêcher de l’interrompre et de lui demander si elle dit simplement… « Les bonnes choses ? » demande-t-elle en éclatant de rire. « Ouais. Ça se voit que j’ai été entrainée pour les interviews ? »
« Écoutez, je sais du plus profond de moi que j’aime Katniss. Je l’adore, » pousuit-elle, cette fois-ci sérieuse, son visage rougissant. « C’est un peu comme si vous aviez eu un énorme coup de cœur pour quelqu’un, et c’en est presque effrayant parce que vous ne voulez pas faire d’erreurs et faire quelque chose qui n’arrive pas à la hauteur de vos espérances. C’est exactement ce que je ressens à propos de ça. Je suis terrifiée. Est-ce que ce sera assez bien ? Est-ce que je ferai les choses assez bien ? »
Ce qui est excitant, c’est que des signes précoces tendent à répondre oui.
