L'écrivain Marc Lévy a interviewé Jennifer Lawrence il y a quelques mois pour Madame Figaro, avec laquelle il a discuté de son ascension à Hollywood, de son rôle de Katniss et de son enfance.
Rendez-vous m’avait été donné en fin d’après-midi
avec Jennifer Lawrence, dans un studio de photographie le long de l’Hudson
River. Elle y achevait une longue journée de travail pour une campagne Dior. Je
la supposais en retard, elle arriva pile à l’heure ; je la devinais épuisée,
elle était fraîche et rieuse. J’avais en tête de lui épargner les questions posées
cent fois depuis qu’en quelques films elle s’était propulsée dans le club très
fermé des stars les plus convoitées de Hollywood et dans celui plus restreint
encore de celles à avoir décroché un oscar. Elle se laissa choir dans un canapé
et me rassura sur-le-champ, me disant qu’elle estimait avoir de la chance qu’on
lui pose des questions et qu’on s’in- téresse à sa carrière. Jennifer Lawrence
est une jeune fille normale, vraiment normale, une jeune fille que l’on
pourrait croiser sur les bancs d’un stade de base-ball, buvant un Coca et
suivant le match en jurant. Elle aime la vie et la croque à pleines dents, elle
vient du Kentucky, et le revendique, elle aime sa famille, sa fratrie, à
qui elle dit tout devoir, elle a son franc-parler, elle est plus que douée,
mais reste humble et ne joue pas avec les faux-semblants. Elle incarne ses rôles,
dont la diversité témoigne de son talent, avec un naturel qui déconcerte et
vous subjugue. Entretien avec une jeune fille du Kentucky qui, enfant, se
croyait dépourvue d’intelli- gence et qui un jour arriva à New York et y trouva
sa voie…
Marc Levy. – Dans l’un de vos premiers films, Winter’s
Bone, votre personnage passe de l’adolescence
à l’âge adulte en une séquence. Avez-vous vécu la même expérience avec ce film ?
Jennifer Lawrence. – Non, Dieu merci. J’avais
18 ans lorsque j’ai tourné ce film et je n’ai pas eu le sentiment de passer un
cap. J’ai plutôt l’impression d’être encore en passe de devenir adulte. Mais j’ai
énormément appris sur ce tournage, sur le cinéma et aussi sur moi-même. Je n’ai
jamais pris de cours pour devenir actrice et personne ne m’a expliqué comment
procéder. Je suis en train de faire mon propre apprentissage, de découvrir ce
que je peux et ne peux pas accomplir.
Votre succès fulgurant ne vous a pas obligée à grandir plus vite ?
Non. Je veux que ma vie reste aussi normale que possible. L’un des dangers dans
l’industrie du cinéma est que tout aille trop vite, vieillir et se priver d’avoir
vécu. Je ne veux pas brûler les étapes de ma vie. Je veux rester simple ; vous voyez, je n’ai pas d’assistante.
Celle qui m’assiste, c’est ma meilleure amie. À la fin d’une journée de
tournage, je peux rentrer chez moi et traîner avec elle, faire ce que l’on fait
à 22 ans… et non partager du temps avec quelqu’un qui travaille pour moi. (Rires.)